tdl 4 minutes

Dans son arrêt rendu le 9 octobre 2019, le Tribunal de l’Union européenne confirme la décision de la Chambre des recours de l’EUIPO (Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle) relative à une procédure d’opposition entre deux marques en conflit. La juridiction reconnaît l’existence d’un risque de confusion chez le public pertinent au titre de l’art. 8, par. 1 b) du Règlement n° 2017/1001 relatif aux marques de l’Union Européenne, en raison de leur similitude [« 1. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marqué demandée est refusée à l’enregistrement : (…) Lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure »].

Les droits de propriété intellectuelle sont reconnus par l’État en raison de leur valeur particulière. Ces droits viennent protéger une création, une œuvre, une production personnelle et offrent à ce titre une exclusivité économique précieuse pour son auteur. Or, cet octroi de « privilège économique » doit se réaliser en tenant compte de sa discordance avec les principes de libre concurrence et de liberté d’entreprendre, tous deux ardemment défendus par le droit communautaire, considérés comme l’une de ses pierres angulaires (art. 3, par. 3 TFUE). Il est donc important d’établir un équilibre constant afin de garantir le respect de ces principes en opposition. Le droit communautaire doit doter le titulaire d’une marque de l’Union Européenne d’un arsenal juridique efficace afin de protéger ses propres intérêts, tout en satisfaisant l’intérêt général en vue de ne pas porter atteinte à la libre concurrence. 

En l’espèce, la société Puma SE présente une demande d’enregistrement d’une marque nouvelle de l’Union européenne devant l’EUIPO le 15 février 2016, marque dénommée « MG PUMA » dans les classes administratives 32 et 33 (Arrangement de Nice du 15 juin 1957). Le 30 mai 2016, la société Distileria MG forme opposition [art. 51 du Règlement n° 207/2009, devenu art. 46 du Règlement n° 2017/1001] à l’enregistrement de la marque nouvelle, opposition fondée sur la marque figurative antérieure de l’Union Européenne « GINMG », qui couvre également des produits issus de la classe administrative 33.

L’opposition est acceptée par la division d’opposition le 17 août 2017. Suite au recours intenté par la demanderesse le 19 septembre 2017, la deuxième chambre des recours de l’EUIPO réaffirme l’opposition en vertu des articles 56 à 64 du Règlement n° 207/2009, devenus articles 66 à 71 du Règlement n° 2017/1001). En l’occurrence, les produits couverts par la marque européenne antérieure et la marque européenne demandée à l’enregistrement seraient identiques et il existerait, en outre, un faible degré de similitude visuelle ainsi que phonétique.

Dans sa décision du 9 octobre 2019, le Tribunal se livre à certaines observations liminaires (§§ 16 à 22), consistant en une sorte de « protocole » à suivre permettant d’apprécier la notion de risque de confusion chez le public pertinent. Ce n’est que dans un deuxième temps que les juges analysent les marques en conflit, objet du litige et confirment l’existence d’un risque de confusion chez le public pertinent.

Le Tribunal de l’Union européenne reconnaît alors la similitude phonétique et visuelle de l’élément à caractère distinctif des marques en conflit et confirme l’existence d’un risque de confusion chez le public pertinent du fait de la perception qu’a le consommateur moyen de ce caractère.

Le public de référence est composé des utilisateurs des produits marqués. S’il s’agit de produits de consommation courante, alors le public sera composé de consommateurs de ces produits-là, normalement attentifs et vigilants du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée [art. 8, par. 1, b) du Règlement n° 1308/2013, cf. arrêt du 4 octobre 2018, Red Bull, T-150/17, EU:T:2018:641, par. 53]. D’autre part, conformément à une jurisprudence constante, « le consommateur d’alcools faisant partie du grand public, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, il fera preuve d’un niveau d’attention moyen [cf. arrêt du 16 février 2017, Etike’ International, T-18/16, ECLI:EU:T:2017:85, par. 24)]. Le produit en question, ici le spiritueux, n’entraîne pas par sa nature, un changement de définition du consommateur moyen. Autrement dit, le consommateur moyen de spiritueux est un consommateur moyen « comme les autres ».

Selon la juridiction, le public pertinent doit être apprécié tel que représentant le « grand public de l’Union européenne d’expression anglophone » (§ 23) et son niveau d’attention est considéré comme moyen. Elle considère que ce public a la capacité de distinguer :

  • d’une part, le caractère descriptif du mot « gin », composant, en partie, la marque première, qu’il associe à un produit connu des consommateurs ;
  • d’autre part, le caractère distinctif du mot « puma », composant la marque en demande d’enregistrement ainsi que du groupe de lettres « mg », caractéristique des deux marques en conflit.

            Ainsi, étant donné que les deux marques partagent un même groupe de lettres et que ce dernier est doté d’un caractère distinctif, la chambre des recours en a conclu qu’il existait bien une similitude entre ces marques sur le plan visuel et phonétique [cf. arrêt du9 septembre 2008, Honda Motor Europe, T-363/06, EU:T:2008:319, par. 23].

Les marques en conflit couvrant des produits identiques, l’existence d’un risque de confusion chez le public pertinent est avérée. Les conditions cumulatives sont bien réunies [cf. arrêt du 22 janvier 2009, Commercy, T-316/07, EU:T:2009:14, par. 42]. Qu’il s’agisse d’une marque nationale ou d’une marque de l’UE, la fonction primaire d’une marque est de garantir au consommateur l’origine économique du produit qu’il souhaite consommer, lui permettant ainsi d’identifier l’entreprise sous la responsabilité de laquelle a été fabriquée la denrée. C’est pourquoi le Tribunal de l’Union Européenne s’est prononcé avec cette jurisprudence visant à éviter tout risque de confusion auprès du public concerné.

Cette décision reflète la volonté de la juridiction européenne de protéger le consommateur en interdisant l’enregistrement d’une marque nouvelle, quitte à placer au second plan le principe de libre concurrence.