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Par Gauthier Ganter, Promotion Léon Douarche (2024-2025).

Cet article issu d’un travail de rédaction auquel sont soumis les étudiants du Master 2 – Droit des Vins et Spiritueux de l’Université de Reims Champagne-Ardenne dans le cadre de leur Projet Professionnel Individuel (PPI). Dans un exercice de synthèse et de précision, ils sont amenés à rédiger un article en 500 mots, sur le sujet de leur choix. Après évaluation par le comité de rédaction de Jus Vini, certains ont l’opportunité de vous être partagés.

Le 6 août 20204, la Cour d’appel américaine au niveau fédéral, a rendu un arrêt qui a ravi les producteurs de cognac.

Cette décision fait suite à un jugement du TTAB, le bureau américain des marques et des brevets, rendu en 2020, qui avait écarté le risque de confusion invoqué par le Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC) entre son produit IGP et le label de musique « Cologne & Cognac Entertainment ». Cet arrêt avait ébranlé la protection censée être accordée aux produits sous indication géographique par l’accord UE-États-Unis de 2006 sur le commerce du vin.

À noter que le cognac est protégé aux États-Unis par le biais d’une marque de certification pour les produits respectant le cahier des charges et non pas par un accord bilatéral. La marque de certification atteste qu’un produit ou service respecte des critères de qualité, d’origine ou de fabrication définis par une entité tierce, qui n’en est pas le producteur. À la différence d’une marque commerciale, qui appartient à une entreprise et sert à distinguer ses produits, une marque de certification peut être utilisée par tout producteur respectant le cahier des charges établi.

Cependant, la décision du bureau des marques instaurait un dangereux précédent en matière de protection contre la confusion en estimant, d’un côté, qu’il n’existait pas de risque de confusion pour le consommateur moyen entre un label de musique « Cologne & Cognac » et le spiritueux charentais. Et, de l’autre, en acceptant l’argumentaire selon lequel la marque de certification « Cognac » n’était pas assez connue et ne pouvait alors que bénéficier d’une protection basique.

La Cour d’appel américaine, saisie par le BNIC, a toutefois statué en faveur de la protection de l’appellation « cognac », basant sa décision sur le fait que le TTAB avait appliqué une règle juridique non pertinente pour évaluer la notoriété de la marque. En effet, le TTAB, en exigeant que la notoriété d’une marque de certification repose uniquement sur sa fonction de certification a commis une erreur de droit dès lors que, selon la Cour d’appel, une telle marque peut aussi être protégée si elle est reconnue pour son origine géographique, comme c’est le cas pour Cognac. Elle a donc renvoyé l’affaire devant le TTAB pour qu’il se prononce à nouveau sur la marque « Cologne & Cognac Entertainment ».

La solution de cette affaire était très attendue par de nombreux observateurs. Parmi eux, la Scotch Whisky Association avait même exprimé son soutien au BNIC via un mémoire d’amicus curiae, un mémoire ayant pour but de présenter au juge des informations ou opinions de la part d’une personne non impliquée dans l’instance.

Cette décision étend ainsi la protection des marques de certification au même niveau que celle des marques traditionnelles. Elle permet également de clarifier les critères jurisprudentiels pris en compte par les juges américains, tel que la reconnaissance de l’origine géographique, pour évaluer la renommée d’une indication géographique ou d’une marque de certification.

La présente affaire illustre bien la fragilité de la protection accordée aux Indications Géographiques européennes par les juridictions américaines. Elle permet toutefois de constater une évolution par rapport à l’arrêt Syndicat des propriétaires viticulteurs de Châteauneuf-du-Pape v. Pasquier des Vignes, rendu le 8 août 2012 par le United States Patent and Trademark Office, qui avait rejeté le recours du syndicat contre la marque de vin « Chemin des Papes », au motif que la protection accordée à l’appellation par l’accord bilatéral de 2006 se limitait à l’utilisation commerciale de l’appellation complète, et non à une utilisation partielle.

La décision relative à la protection du cognac marque ainsi une avancée jurisprudentielle notable dans la protection des indications géographiques européennes aux États-Unis, pays qui ne connaît pas et ne reconnaît pas, en tant que tel, le système de protection des indications géographiques européen.

Elle constitue également un signal encourageant pour la filière, dans un contexte international incertain, en assurant une protection renforcée du cognac sur le marché de son premier importateur mondial.

Les menaces américaines de surtaxer massivement les vins et spiritueux européens, tout comme les tensions commerciales avec la Chine, malgré les exemptions récemment accordées, rappellent toutefois la vulnérabilité du secteur. La protection juridique du cognac progresse, mais demeure étroitement tributaire d’équilibres commerciaux parfois instables.