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Pendant deux heures, le 23 mars, la vente d’alcool à emporter a été interdite dans l’Aisne, suite à une décision du préfet, qui a finalement abrogé son arrêté très vite.

L’article 1er de l’arrêté préfectoral (l’Arrêté) publié à Laon en date du 23 mars 2020 interdit la « vente à emporter de boissons alcoolisées du 3ème au 5ème groupe sur l’ensemble du territoire du département de l’Aisne » jusqu’au 31 mars 2020. Il s’agit de toutes les boissons alcoolisées.

Le préfet de l’Aisne justifie cette mesure par le lien entre la consommation d’alcool et les violences intra-familiales, exacerbées en période de confinement, comme le rapporte la presse.

L’arrêté du 23 mars 2020 a été abrogé par le préfet peu de temps après sa publication. Après consultation avec des professionnels en addictologie, selon lesquels, une telle mesure, même temporaire, aurait des conséquences défavorables.

La promulgation de l’arrêté préfectoral n’impose pas une nouvelle « prohibition ». Au-delà de l’interdiction de vente, les lois prohibitionnistes, notamment américaines, interdisaient aussi la fabrication et la circulation de boissons alcoolisées [pour plus de précisions sur la prohibition aux États-Unis, voir notamment l’ouvrage d’Arnaud Coutant, Prohibitions, Mare et Martin, Paris, 2018].

Or l’arrêté ne prétend mettre fin qu’à la vente de boissons alcoolisées, alors que la circulation, la fabrication et surtout, la consommation de ces dernières ne sont pas affectées par les mesures du préfet de l’Aisne.

De plus, la disposition a été engagée pour la période de confinement, dans des circonstances exceptionnelles de restriction de circulation, alors qu’un Rapport de la Cour des Comptes, rendu en juin 2016, met en avant que « à partir d’un échantillon de 146 morts violentes au sein du couple, […] la présence d’alcool dans le sang a été constatée dans plus de 30 % des affaires » [voir notamment : pp.38-39].
Les motivations de l’arrêté semblent s’éloigner significativement de la volonté prohibitionniste de transformer l’ensemble de la société.

Le lien entre les violences intra-familiales et la consommation d’alcool est un sujet en discussion puisque la députée de la 8ème circonscription de Loire-Atlantique adresse, le 1er octobre 2019, une question au gouvernement sur « l’absence d’évaluation du contexte alcoolique dans la lutte contre les violences faites aux femmes ».
La réponse du Gouvernement est publiée au JO du 3 mars 2020 et indique qu’une mise en œuvre, entre autres, « des mesures visant à favoriser la prise en charge addictologique chez les auteurs de violence lorsqu’une dépendance ou un abus a été établi » s’échelonnera de 2020 à 2022, dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales.

Bien que l’arrêté ne mette pas en place une prohibition locale, il ouvre toutefois le débat de la régulation des boissons alcoolisées dans l’ère post-Covid-19.